Laboratoire de recherche
Le développement des activités de recherche, la formation à la recherche et par la recherche, les articulations entre recherche, milieux professionnels et établissements de formation supérieure, entre recherche fondamentale et recherche appliquée constituent une préoccupation importante du champ social.
Ainsi, dès 1983, l’IDS a fondé le Laboratoire d’Etude et de Recherche Sociales (LERS).
Par la suite, en 1986, lors de la création des instituts régionaux du travail social (IRTS), l’arrêté du 22 août donnait officiellement aux IRTS une mission en matière de recherche : « Conduire des actions de recherche et d’étude orientées vers l’analyse des qualifications professionnelles ainsi que des modes d’intervention sociale et de leur adaptation aux besoins de l’action sociale. »
Des objectifs
Dans cette perspective, le LERS participe à la mission générale de l’IDS Normandie de qualification des milieux professionnels selon des objectifs spécifiques:
- Produire des recherches et des études sur contrat ou en partenariat avec les institutions européennes, nationales, régionales et locales (FSE, MIRE, CNRS, CREDOC, INSERM, CNAF, INHES, ONED, Défenseur des droits, affaires sociales…).
- Mettre au service des collectivités territoriales, des élus et des professionnels de l’action sociale, des outils capables d’éclairer leurs choix (études, diagnostics, prospectives).
- Valoriser les travaux et contribuer à leur diffusion par la réalisation de colloques, séminaires, par la publication d’ouvrages et articles scientifiques.
- Instaurer des partenariats dans les domaines de la recherche et de la formation professionnelle ou universitaire (laboratoires, chaire en travail social du CNAM, réseaux de chercheurs (ACOFIS, AFS…), pôles ressources recherche et intervention sociale (P2RIS, PREFAS…)).
- Participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet pédagogique de l’IDS Normandie(enseignements, expérimentations, ingénierie de formation) en appui sur les travaux de recherche menés par le laboratoire.
- Développer des partenariats internationaux en matière de recherche et de formation supérieure (Université de Calabre, Université de Barcelone, Haute Ecole de Travail Social de Genève, Haute Ecole Sociale de Charleroi-Europe…).
Il convient également de prendre en compte les fondements historiques qui ont fait et font connaître le LERS comme un lieu de production sociologique. En effet, dans les sciences humaines et sociales, la discipline sociologique apparaît fondamentale pour comprendre le champ social constitué de rapports sociaux extrêmement complexes à l’intersection du politique, de l’éthique, du social et de l’économique. En outre, le LERS privilégie une approche s’appuyant sur une sociologie de l’action (système/acteur). Il s’agit de repérer et d’analyser les conflits sociaux et politiques (rapports de classes et d’intérêts), les conflits éthiques (valeurs personnelles et collectives/déontologies professionnelles) et culturels (revendications identitaires/ethnicité) contemporains qui révèlent les disjonctions et oppositions entre les valeurs égalitaristes, émancipatrices, de reconnaissance et de justice sociale revendiquées par les sociétés modernes individualistes et démocratiques ainsi que la réalité des rapports de domination, de discrimination, de réification et de mépris qui sont sans cesse en voie de transformation et de recomposition dans ces mêmes sociétés. Dans cette configuration, cette approche insiste également sur les capacités d’action et de réaction individuelle et collective (révolte, distanciation, subjectivation, réflexivité) des acteurs qui, malgré les épreuves et les expériences de domination et de désubjectivation dans lesquelles ils peuvent être engagés, en tant que « sujets » (individu/mouvement social) porteurs de droits (politiques, sociaux, culturels), se rebellent pour accéder à une liberté et à une dignité individuelle et collective ou les maintenir et coproduire une société humaine, solidaire et socialement juste.
Des axes de recherche
- Axe 1 : Les transformations du travail social et d l’intervention sociale
L’utilité du travail social est aujourd’hui établie. Il n’est plus positionné aux frontières de l’organisation sociale, il est même au cœur de la société de service. Dans la pratique, le travail social prend la forme d’un ensemble d’activités sociales conduites par des personnes qualifiées (assistants sociaux, éducateurs spécialisés, éducateurs techniques, conseillers en économie sociale et familiale…) combinant des compétences professionnelles complexes (connaissances, rigueur, efficacité, responsabilité, créativité..) avec des valeurs humaines (respect de l’individu considéré comme un acteur capable de transformation) et démocratiques (croyance en des actions de solidarité et de justice sociale facteurs de changement social). Les travailleurs sociaux agissent dans le cadre d’une mission autorisée et/ou prévue par la loi, au sein de structures publiques ou associatives, en faveur de personnes ou de groupes en difficulté, afin de contribuer avec eux à la résolution de leurs problèmes. Néanmoins, depuis « l’âge d’or » de sa professionnalisation située entre les années 1970 et 1980, ce champ s’est largement complexifié et s’inscrit désormais dans un espace plus large associé à celui de l’« intervention sociale ». En effet, les professions sociales se présentent aujourd’hui comme un véritable archipel dont le noyau historique s’est construit grâce à une logique de qualification et de définitions de titres, de statuts et d’emplois, cependant une recomposition des emplois est en cours depuis une vingtaine d’années. Dans ce contexte, cet axe de recherche porte sur l’étude des transformations de l’intervention sociale constituée de secteurs historiques (aide sociale, handicap, protection de l’enfance, traitement de la délinquance…) et « émergents » (aide à domicile, médiation urbaine, insertion, développement social local, accompagnement des immigrés, personnes âgées, etc.). Il vise à comprendre les enjeux politique, économique, déontologique et éthique de l’intervention sociale. Il s’agit d’une part, d’étudier comment s’opère les mutations de l’intervention sociale et, d’autre part, de comprendre les épreuves et les réactions des intervenants sociaux dans un contexte de transformation de l’« Etat social » à l’échelle nationale et internationale. Plus précisément, à partir des représentations et des pratiques des acteurs sociaux et, d’autre part, à partir des perceptions des « populations-cibles » vis-à-vis des interventions dont elles sont l’objet, cet axe étudie comment se transforme l’intervention sociale confrontée, notamment, aux « nouvelles » logiques managériales, sécuritaires et de moralisation.
- Axe 2 : La régulation sociale des désordres urbains, les politiques de prévention des risques et de sécurité
Ces dernières décennies, l’espace médiatique et politique a été, dans une large mesure, le théâtre d’une exploitation partisane, politicienne et/ou commerciale, pusillanime de la « question sociale » et/ou de la « question urbaine » et « culturelle », renforçant ainsi le développement d’idées reçues, du sentiment d’insécurité, de processus de fragmentation sociale, culturelle et raciste mais aussi d’étiquetage négatif des personnes d’origine étrangère, des « banlieues populaires » et des « jeunes de cité » : les quartiers populaires seraient des territoires de désorganisation sociale à haut risque, ethnicisés et peuplés de populations violentes. Or, pour comprendre ces phénomènes, il est nécessaire de rompre avec les formes de diabolisation et de stigmatisation des populations « anomaliques », considérées comme dangereuses, notamment les habitants des quartiers défavorisés, en prenant de la hauteur vis-à-vis du traitement médiatico-politique de ces questions sensibles. Ainsi, dans cet axe de recherche, il s’agit d’étudier les transformations des formes de régulation sociale et des rapports de domination, le développement de « logiques sécuritaires » et la raréfaction des espaces de conflit institutionnalisés qui libèrent l’expression de phénomènes de violences polymorphes et complexifient les processus du contrôle social, notamment dans les quartiers populaires « ghettoïsés ». Face à la montée des préoccupations sécuritaires, à la transformation de l’action publique, les politiques de prévention des désordres et de lutte contre la délinquance constituent des enjeux majeurs tant au plan national qu’au niveau local. La compréhension des transformations de la régulation sociale des désordres nécessite donc l’articulation des analyses relatives aux normes et aux déviances avec celles visant à penser la réorganisation du contrôle social et les modes d’engagement des acteurs chargés de réagir aux désordres, à la délinquance et aux violences, aussi bien dans le monde du travail social que dans le champ pénal (police, justice), de l’école, etc. Dans cet axe, il s’agit donc également de soulever la question de la « police des villes » au sens large, de se pencher sur l’ensemble des réponses apportées par les pouvoirs publics et les autres acteurs sociaux pour assurer le « bon ordre », éviter les débordements et pacifier les territoires. Plus précisément, Il s’agit d’étudier le redéploiement des dispositifs de contrôle social, les logiques d’action, les raisons d’agir, les épreuves, les conduites et « contre-conduites » de la pluralité des acteurs concernés (intervenants sociaux, policiers, pacificateurs, jeunes rebelles…), d’analyser leurs interactions, la redistribution des rôles et le renouvellement des formes de gouvernance en matière de gestion des désordres (urban policing).
- Axe 3 : Les migrations, l’ethnicité et le racisme
Au-delà des discours politiques et idéologiques sur l’« intégration » des migrants et des « minorités », aujourd’hui, la nécessité de gérer les « différences culturelles » constitue un challenge autant pour les sociétés du Nord que celles du Sud. L’étude des migrations, de l’ethnicité et du racisme est dès lors nécessaire pour comprendre la production de la société, les transformations sociales fondamentales en œuvre dans les sociétés contemporaines et participer pleinement à combattre les processus de déshumanisation tels que le racisme, les discriminations et l’ethnicisation des relations sociales. Néanmoins, toutes les formes d’expression de la « différence culturelle » ou de l’ethnicité ne doivent pas être confondues avec des processus d’ethnicisation et de racisation qui sont mortifères pour les sociétés démocratiques modernes. En effet, l’ethnicisation et la racisation ont un point commun qui les différencie radicalement du paradigme de l’ethnicité : ces processus se caractérisent le plus souvent par des formes d’exo-définition, appliquées de façon plus ou moins forte (assignation), alors que l’ethnicité recouvre toujours un caractère d’autodéfinition. En effet, l’ethnicité est une construction sociale toujours en mouvement permettant aux acteurs qui s’en saisissent de combiner plusieurs logiques d’action en tension leur permettant de se mouvoir dans la complexité de la société postindustrielle et, ainsi, de se construire en tant que « sujet ». En fait, les processus d’ethnicisation/racisation sont surtout reliés à des logiques de stigmatisation, de domination et de dépolitisation alors que l’ethnicité est essentiellement associée à des logiques d’affirmation identitaire, de reconquête de soi et de re-politisation (rapport de classe). La « question ethnique » est donc protéiforme puisqu’elle est ce que les uns et les autres en font : de façon schématique, une forme de manipulation essentialiste et de dépolitisation stigmatisante (ethnification) ou une façon de repolitiser et de reconflictualiser des logiques d’action et de subjectivation pour plus de justice sociale et de reconnaissance culturelle dans l’ère postindustrielle (ethnicité). Dans ce contexte, cet axe de recherche vise donc à construire des éléments de compréhension sociologiques, des outils théoriques et pratiques pour dépasser les approches trop souvent simplistes, misérabilistes et moralistes des questions liées à l’altérité, notamment dans le champ social.